La grande rupture

1 April, 2010
2 April, 2010

                   Appel à l’union et à la lutte contre les crises globales, pour le remplacement des accords de commerce et d’investissement et autres machines infernales générées par une économie mondiale dirigée par les transnationales, pour bâtir ensemble une économie durable et solidaire.

 

Nous vivons une époque extraordinaire et sans précédent. Il est bien probable que jamais auparavant, il n’y eut une telle convergence de crises et de menaces contre le futur tant des hommes que de la planète elle-même.

 

La débâcle financière a déclenché une Crise économique mondiale se traduisant par une croissance exponentielle du chômage et de la pauvreté. Et, comme si cela n’était pas suffisant, cela s’est produit au milieu d’une crise climatique globale due au réchauffement de la planète avec des conséquences inimaginables. Parallèlement à cette convergence dramatique, une crise alimentaire mondiale nous menace avec son cortège de malnutrition et de famine globale.

Enfin, à cette triple crise, une crise énergétique exacerbée par la demande croissante de pétrole qui dépasse l’offre s’ajoute au malaise social dû à l’augmentation constante de l’asymétrie entre les classes, les genres et les races.

L’incapacité des gouvernements à faire face à ces multiples menaces ne pourra que favoriser des troubles politiques.

 

Plus que jamais, de mémoire d’homme, le temps est venu pour les associations de la société Ccivile et pour les mouvements sociaux de masse de s’unir dans un effort commun en vue de “ retourner “ complètement le modèledominant et le le schéma de ondialisation économique “ actuels.

 

                   Le gouvernement de l’économie mondiale

 

Les moteurs sous-jacents à ces multiples crises convergentes sont à rechercher non seulement dans l’économie globale et dans la primauté du capitalisme industriel, mais aussi dans le fait que les gouvernements et leurs administrations suivent un modèle néo-libéral de mondialisation économique. Pendant plus d’un siècle, les institutions de Bretton Wood : l’Organisation Mondiale du Commerce ( et son prédécesseur l’ AGTC ), la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International ainsi que les quelques pays industrialisés qui contrôlent ces institutions, ont géré l’économie mondiale en donnant la priorité aux intérêts des plus puissants sur le plan économique.

 

En fait, leur programme de maximalisation des profits grâce à une croissance économique inégale et sans limites, a favorisé les grandes sociétés transnationales au détriment tant de la majorité des gens que de l’environnement.

 

Il devient actuellement de plus en plus évident que ce système de gestion économique à l’échelle mondiale, basé sur un modèle néo-libéral de dérégulation et de privatisations joint à l’attribution de nouveaux privilèges aux multinationales ainsi qu’à une diminution des droits sociaux et du respect de l’environnement, s'est avéré non seulement un échec mais se trouve la cause même de la crise actuelle.

 

Et pourtant, jusqu’à maintenant, la plupart des pays et spécialement les plus développés industriellement, se sont obstinément refusés à réclamer un changement à ce système de gouvernement et à son modèle néo-libéral.

Bien que le G8 qui est composé des principaux pays industrialisés du Nord se soit agrandi pour accueillir les pays émergents du Sud dans le G20, tant le G8 que le G20 soutiennent et protègent le Statu quo en matière d’économie mondiale.

 

Tout récemment, en réponse à la crise économique et financière mondiale, l’Assemblée Générale des Nations Unies qui représente 192 des nations du monde, a rédigé un communiqué basé sur le rapport de la Commission Stiglitz réclamant des changements significatifs au système actuel de gestion de l’économie mondiale.

Cette initiative se heurta toutefois aux blocages et à la marginalisation que certaines puissances industrielles participant aux décisions les plus importantes du G8 et du G20 lui opposèrent.

 

                   Les Mécanismes du Commerce Néo-libéral

 

Les principaux vecteurs de ce système de gestion économique mondiale ont été l’OMC ainsi que divers accords de libre-échange  bilatéraux ou régionaux.

L’objectif principal de ces règles de commerce et d’investissement était l’établissement d’un marché par le grandes sociétés transnationales et en leur faveur, afin de s’implanter dans tous les pays du monde et d’y vendre leurs produits sans être dérangés par les interventions et les réglementations émanant de gouvernements locaux. En fait, ces pactes de Libre -échange ont pour objet d’établir de nouveaux droits et pouvoirs permettant aux investisseurs étrangers de s’arroger le contrôle des ressources naturelles, des services publics et plus encore. Ils obligent également ces pays à ouvrir leurs marchés aux dumping des produits alimentaires, ayant pour résultat la destruction de leur agriculture et de leur souveraineté alimentaire.

Une autre conséquence de ces accords est la suppression des plus élémentaires protections sociales et environnementales.

 

Ainsi, la capacité des gouvernements et particulièrement de ceux des pays en développement de gouverner et de gérer leurs économies selon les besoins de leurs populations et de leur environnement s’est vue sévèrement restreinte par des règles commerciales“ inventées pour le plus grand profit de sociétés privées.

Cela tient au fait que ces règles commerciales empêchent les gouvernements de mettre en oeuvre des politiques et des lois destinées à préserver et à protéger les services publics essentiels, les ressources naturelles, la souveraineté alimentaire, l’accès aux médicaments, à la santé publique et à la sécurité sociale – pour n’en nommer que quelques uns d’entre eux.

Finalement, ces accords de commerce et d'investissement ont été à la base des crises multiples auxquelles l’humanité et la planète ont à faire face, et en ont favorisé l’expansion.

                   Les crises économiques et climatiques

 

 Par exemple, l’OMC a joué un rôle majeur dans l’avènement de la débâcle financière mondiale, par ses règles obligeant les pays à libéraliser et à déréguler les services financiers, accélérant ainsi la crise économique actuelle. Aux termes de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), de nombreux gouvernements se virent obligés d'éliminer purement et simplement les lois par lesquelles ils assuraient à leurs pays une protection financière importante et à autoriser l’implantation de banques et autres fournisseurs de services financiers leur permettant de commercialiser de nouveaux produits et services financiers hasardeux.

Ainsi, les gouvernements privés de leur droit de réglementer le marché boursier du fait de l’AGCS, durent autoriser des “ produits dérivés “ basés sur la “ titrisation “ de crédits hypothécaires immobiliers très peu sûrs, aux USA, vendus et achetés dans le monde entier, dont l’effondrement amena et accéléra la crise actuelle.

 

Scandaleusement, ce sont les mêmes banques, représentées dans le groupe des principaux promoteurs financiers de l’AGCS, qui exportèrent ce modèle de libéralisation des services financiers à l’échelle mondiale, qui furent sauvés de la faillite grâce à des prélèvements fiscaux opérés par les gouvernements sur les contribuables.

 

Parallèlement, ce programme néo-libéral  a contribué de façon décisive à la crise globale du climat. Les émissions de CO2 générées par ce modèle de production et de consommation basé sur l’export-import ont joué un rôle capital dans le réchauffement global.

En effet, le chargement et le transport des marchandises constituent parmi les causes majeures d’émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement de la planète. Selon les Nations Unies, les transports transocéaniques sur de longues distances contribuent pour 7% à la production mondiale de CO2.

Entre-temps, certaines politiques et actions indispensables menées par des gouvernements en vue de diminuer les émissions de CO2 ou de promouvoir l’utilisation d’énergies renouvelables, font l’objet d’attaques sous le prétexte qu’elles constituent des obstacles illégaux aux échanges commerciaux en contravention avec les règles de l’OMC et des accords commerciaux bilatéraux, et doivent, de ce fait, être éliminées ou faire l’objet de pénalisations économiques.

 

 

                   La crise alimentaire et sociale

 

Parallèlement, l’orientation de la production agricole des pays en développement vers l’exportation a intensifié plutôt que diminué la crise alimentaire et la faim dans le monde. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, la faim dans le monde augmentera en 2009 plus que jamais dans le passé, au point que presque 17%de la population de la planète sera menacée par la sous-alimentation ou la famine.

grâce aux règles commerciales imposées par l’OMC, les grandes sociétés agro-industrielles subventionnées par les grandes puissances industrialisées peuvent inonder les pays du Sud de produits agricoles à des prix artificiellement bas, sous prétexte de jouer au “supermarché global“.

 

De plus, ces règles commerciales ayant pour objectif d’augmenter le volume commercial plutôt que d’assurer la sécurité alimentaire s’appliquent à des pays en développement qui sont soumis à l’énorme pression que représente le remboursement des dettes contractées auprès des organisations financières internationales. De ce fait, les récoltes produites par les meilleures terres agricoles du tiers monde, sont exportées vers les riches pays industrialisés et, parallèlement, les paysans du “ Sud “ en sont réduits à abandonner leurs terres et à aller grossir les rangs des chômeurs dans les villes au lieu de produire de quoi nourrir les leurs.

 

Entre-temps, sous-tendant les crises dues à ces règles commerciales, se fait jour une crise sociale qui continue à couver et à se développer tant dans le “ Nord “ que dans le “ Sud “ du fait de la mondialisation néo-libérale. Après plusieurs décennies de libre-échange des biens industriels, les salaires et les conditions de travail se sont généralement détériorées dans le monde entier. Les travailleurs du “ Nord “ comme ceux du “ Sud “ se voient maintenant contraints à se faire concurrence dans une course sans fin qui ne fait qu’enrichir les grandes sociétés transnationales qui ne considèrent leur personnel que comme une matière première comme les autres.

Soumis aux règles globales et bilatérales, les pays en développement se voient refuser la possibilité de mettre en oeuvre les politiques industrielles et les stratégies qui permirent aux pays riches de réaliser les investissements à l’étranger qui assurèrent leur développement.

Les pays du tiers-monde se trouvent au contraire obligés de se faire concurrence entre eux pour attirer les investissements aux dépends de leurs normes sociales et environnementales, accélérant ainsi leur sous-développement à l’échelle mondiale.

 

 

                   Les fausses solutions

 

Le système régissant le commerce et les investissements est au centre du tourbillon des crises multiples qui s’abattent aujourd’hui sur le monde. Aucune solution ne pourra être trouvée tant que l’on n’aura pas changé le modèle néo-libéral et sa panoplie de politiques mises en oeuvre par l’OMC et les accords commerciaux régionaux et bilatéraux.

Pourtant au lieu de réaliser ces changements fondamentaux, la plupart des gouvernements se tournent vers de fausses solutions telles que la conclusion Du cycle de négociations de Doha aux quelles ils ajoutent les accords bilatéraux et bi-régionaux qui ne feront qu’exacerber les crises.

 

La libéralisation et la dérégulation des services financiers ne permettra pas aux gens d'accéder davantage au crédit, aux prêts ni aux hypothèques mais plutôt aux banquiers et aux compagnies d’assurances de disposer des dépôts de leurs clients pour se lancer dans des spéculations risquées.

La baisse des droits de douane n’aidera pas à nourrir les affamés parce que cela détruira le gagne-pain de plus de paysans encore tant dans le Sud que dans le Nord, cela servira seulement les intérêts des grandes entreprises agro-industielles en augmentant encore leur puissance et leur contrôle sur le système alimentaire mondial.

La baisse des droits de douane sur les produits industriels et l’élimination des standards de qualité ne permettra pas davantage la création de nouveaux emplois que ce soit au Nord ou au Sud mais ne fera qu’empirer la situation sociale et les conditions du travail, particulièrement celles des femmes et des éléments déjà les plus défavorisés.

 

Afin de résoudre les crises financières, climatiques et alimentaires actuelles, les gouvernements doivent pouvoir disposer de l’espace politique et de la flexibilité nécessaires pour régler et dans beaucoup de cas re-réglementer leurs économies pour préserver le bien du peuple et l’environnement. Tant que des règles commerciales créées seulement pour favoriser les profits à court terme et les intérêts stratégiques des grandes sociétés transnationales restent en vigueur grâce à l’OMC et aux pactes régionaux et bilatéraux, les gouvernements auront les mains liées pour résoudre les défis locaux et internationaux.

 

                   Appel à action

 

Alors que nous nous mobilisons face à la prochaine réunion ministérielle dans le cadre de l’OMC prévue fin Novembre 2009  – dix ans exactement après la Bataille de Seattle et quelques jours avant le sommet crucial des Nations Unies sur l’Environnement à Copenhague – sachons faire l’unité en faveur de notre cause commune.

Pour sortir de la crise systémique mondiale qui menace de détruire la planète, il nous faut exiger collectivement qu’un nouvel ordre économique soit instauré

-        un ordre qui se fixe pour objectif la satisfaction des besoins des êtres humains et le respect de tous les droits sociaux, économiques, culturels, politiques et humains

-        Un ordre basé sur des modèles de production et de consommation qui respecte les limites des ressources naturelles de la planète, qui assure une juste répartition de ces ressources entre tous ainsi que l’utilisation d’énergies propres, sans dangers et renouvelables.

La première étape vers ce nouvel ordre économique devra, nous insistons, être l’abandon du modèle néo-libéral de commerce mondial et son remplacement par un modèle alternatif multilatéral – juste, renouvelable et participatif.

 

Nous appelons par conséquent, les mouvements sociaux, les syndicats et les associations de la société civile du monde entier à se joindre à nous pour résister et remplacer le régime de marchandisation et de globalisation qui a été à la base de la crise mondiale et de son développement :

 

Ø      En organisant des actions et en mobilisant leurs membres contre la conclusion du cycle de Doha  avant et après sa réunion ministérielle à Genève.

Ø      En défendant l’établissement d’un moratoire sur les négociations de libre échange bilatérales et bi-régionales.

Ø      En lançant des actions pour que l’OMC et le système commercial dont elle est garante soient reconnus comme une solution illégitime et fausse en vue de la Conférence des Nations unies sur le climat de Copenhague.

 

 

Il est temps que la demande d'un ordre mondial radicalement nouveau devienne réalité !

 

 

 

 

Remerciement a Stan Gir, Coorditrad, pour la traduction.